OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Anonymous contre Bayer, Sony, LG, Samsung http://owni.fr/2012/05/11/anonymous-attaque-bayerd-sony-lg-samsun/ http://owni.fr/2012/05/11/anonymous-attaque-bayerd-sony-lg-samsun/#comments Fri, 11 May 2012 15:33:16 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=109881

L’avidité occidentale frappe le Congo dans un conflit inhumain, le pire qu’ait connu le pays depuis l’an 800. Aux seigneurs de l’industrie et aux banques : vous détruisez l’environnement, vous condamnez l’espèce humaine en la réduisant à l’esclavage. Come on Anons !!!

Le cri de ralliement est lancé. L’assaut, imminent, virtuel et pacifique. Pas de doute : une nouvelle salve d’attaques informatiques revendiquées par des Anonymous est en cours depuis moins de 24 heures.

Baptisée “Opération coltan” (du nom de ce minerai indispensable à l’industrie des téléphones mobiles ou de la chimie), la dernière manifestation du collectif d’hacktivistes s’envole cette fois pour la République démocratique du Congo (RDC). Et s’en prend à des multinationales telles Sony, LG, Samsung ou encore Bayer.

La revendication est nouvelle, cependant. Selon un communiqué publié sur un blog apparenté, Anonymous entend mettre au jour le “trafic de coltan” orchestré par lesdites multinationales en RDC. Le coltan, aussi appelé “or gris”, est l’un des quatre “minerais de conflit” désignés comme tels par le Dodd Frank Act, la réforme de Wall Street adoptée par le Congrès américain en 2010. Il appartient au nombre de ces ressources naturelles dont le contrôle est devenu un enjeu économique si grand qu’il nourrit des affrontements entre milices armées. Notamment en RDC, qui concentre à elle seule trois quarts des réserves mondiales de coltan.

Si la ruée vers l’or gris date de la fin des années 1990, le coltan est devenu indispensable ces dernières années, pour l’industrie, et pour les consommateurs de téléphones et ordinateurs portables. C’est en effet à partir du coltan qu’est extrait un métal aux propriétés uniques, le tantale, présent dans la plupart des appareils électroniques. Le tantale est par ailleurs très prisé des industries aérospatiale et chimique pour sa grande malléabilité.

Seigneurs du coltan

Fin avril 2012, le ministre des Mines de la province du Nord Kivu alerte sur un regain de violences entre les milices de l’Est de la République démocratique du Congo. La mise en garde est prise au sérieux par les États-Unis, l’Allemagne et la Chine, qui perçoivent la région comme le point névralgique de leurs intérêts stratégiques en Afrique. Lentement mais sûrement, la bataille du coltan est à nouveau médiatisée aux États-Unis. Des hacktivistes s’en emparent.

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Anonymous surveillés depuis huit mois

Anonymous surveillés depuis huit mois

Trois supposés Anonymous ont été arrêtés par les services de renseignement français cette semaine. OWNI a ...


Le 3 mai, “l’Opération Green Rights” connaît un nouveau souffle. Cette méga-opération rassemble des personnes se revendiquant d’Anonymous et faisant des risques environnementaux le dénominateur commun de leurs actions numériques, les fameuses attaques par déni de service consistant à bombarder un site web de requêtes pour le rendre inaccessible. C’est d’ailleurs dans le cadre de “l’Opération Green Rights” que le site Internet d’EDF avait été attaqué au printemps 2011, donnant lieu à l’arrestation de trois Anonymous présumés que nous avions décryptée sur OWNI. Au nom donc des droits verts, le collectif d’hacktivistes annonce son intention de “faire tomber” les sites des “seigneurs du coltan”.

Rapidement, un pad – document web public et collaboratif – est élaboré pour préparer l’attaque. En marge des données géographiques et démographiques de la RDC, des Anonymous décrivent sommairement les conditions de vie des mineurs et de leurs familles. Le principe : mobiliser les consciences en allant au plus simple. Mais leurs affirmations – sensationnelles – manquent parfois de preuves :

Conséquences de cette situation [l’exploitation illégale du coltan, NDLR] :
- Les jeunes filles et les jeunes garçons ne vont pas à l’école
- Chaque kilo de coltan extrait coûte la vie à deux enfants
- Les familles dorment et s’alimentent dans les forêts des montagnes alentours
- La population d’éléphants a diminué de 80%
- La population de gorilles a chuté de 90%

Et ça marche. Le 10 mai au soir, la première attaque est lancée contre le site Sony Mobile, le portail du groupe consacré à la téléphonie mobile. Sur un canal IRC – une interface de chat anonyme – dédié, les hacktivistes s’échangent des informations sur des failles découvertes sur le site de Sony. Avant de lancer leur fameux outil d’attaque, LOIC, un logiciel permettant de surcharger de requêtes un serveur hébergeant un site Internet.

Ultime raffinement, les Anonymous impliqués ont ici utilisé une version navigateur de LOIC, c’est-à-dire sans passer par un logiciel mais en créant un mini-site qui possède les mêmes fonctionnalités que LOIC. En trente lignes de code informatique, les hacktivistes créent un système tel que tout utilisateur qui se connecte sur la page Web envoie 16 requêtes à la seconde sur une cible, hier Sony, ce matin LG et Bayer. Succès :

Le Sud de l’hémisphère

Cette coordination d’attaques, qui devraient se poursuivre jusque tard dans la nuit du 12 mai, illustre en tout cas un nouveau rapport de force parmi les Anonymous sensibles aux causes écologistes. À l’origine, “l’Opération Green Rights” a été créée par des Italiens, et a donc surtout rassemblé des hacktivistes venus d’Europe, France et Allemagne en tête. Le spectaculaire coup de filet des forces de police italiennes intervenu à l’été 2011 pour arrêter une quinzaine de membres d’Anonymous a rebattu les cartes de l’hacktivisme environnemental.

Reprise par les Américains et les Canadiens dans le combat contre les sables bitumineux, la bannière “Opération Green Rights” est depuis largement utilisée par des internautes venus d’Amérique du Sud. Les industries minières sud-américaines ont ainsi été visées par plusieurs vagues d’attaques au cours du mois de février 2012, alors même qu’Anonymous Venezuela et Anonymous Columbia voyaient leurs rangs grossir. “L’Opération Coltan” semble justement avoir été déclenchée par Anonymous Columbia, comme en atteste cette vidéo, publiée pour l’occasion :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Des diverses entreprises contactées par OWNI, Bayer est la seule à s’être exprimée sur ces attaques pour le moment :

Plusieurs sites Internet du Groupe Bayer (Portugal, Pays-Bas, Afrique du Sud) font actuellement l’objet d’attaques et plusieurs ont été désactivés pour des raisons de sécurité. (…)

Anonymous a revendiqué ces attaques, au nom de l’implication supposée du Groupe Bayer dans le commerce du coltan au Congo. Ces allégations datent de plus de dix ans et sont sans fondement. À la suite d’une enquête, les Nations Unies ont retiré toutes leurs accusations à l’encontre du Groupe Bayer en 2003.

Dans la foulée de cette enquête, d’ailleurs, le Groupe Bayer avait estimé opportun de préciser dans son rapport annuel sur le développement durable 2004 qu’il finançait le Dian Fossey Gorilla Fund, un “projet visant à aider les habitants de l’Est de l’Afrique centrale à pratiquer l’extraction des ressources naturelles en cohérence avec l’environnement”. Et de poursuivre dans le même rapport :

Plusieurs organisations environnementales ont appelé à un moratoire international sur les exportations de la région pour mettre fin aux activités illégales comme l’extraction minière dans les parcs nationaux. D’autres organisations, dont le Dian Fossey Gorilla Fund, considèrent de telles mesures comme inappropriées, particulièrement pour des raisons humanitaires, puisqu’elles élimineraient une importante source de revenus pour les populations locales. En cas de moratoire, les organisations craignent que ces populations soient contraintes de se nourrir dans les parcs nationaux (…), ce qui entraînerait sûrement l’extinction permanente de plusieurs espèces en danger.


Illutrations via Anonymous /-)

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Les Anonymous sont-ils des terroristes? (LOL) http://owni.fr/2011/05/09/anonymous-terrorisme-lol-bullshit/ http://owni.fr/2011/05/09/anonymous-terrorisme-lol-bullshit/#comments Mon, 09 May 2011 15:26:31 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=61901 Invité sur LCI pour évoquer le piratage du PlayStation Network (PSN), une question a failli me faire tomber de mon tabouret:

Les Anonymous peuvent-ils commettre des actes terroristes, en piratant des centrales nucléaires par exemple?

Les “sans-nom d’Internet” ont beau être issus de la “culture du trolling” - cette taxie du Net qui génère à la chaîne des hordes de commentateurs dont le but ultime est de parler très fort – je ne m’attendais pas à un tel déploiement de moyens sur le plateau d’une chaîne de télévision. Une fois que nos oreilles ont sifflé à l’écoute de cette saillie, il y a deux choix: considérer qu’elle est stupide, ou prendre le temps d’y répondre de manière argumentée, pour éviter que ne se propagent les croyances populaires. Non, les Anonymous ne sont pas cachés sous votre lit, non ils ne mangent pas d’enfants ni ne boivent du sang de vierge. De surcroît, la comparaison avec le terrorisme n’est pas neuve: comme le rappelle Gabriella Coleman, anthropologue à la New York University et spécialiste du mouvement, “c’était déjà le cas en 2007″.


L’agitation autour du piratage du PSN a mis en évidence la faille structurelle des Anonymous, qui est aussi leur atout maître: l’anonymat. Accusés par Sony d’être les commanditaires de ce hacking géant qui a déjà mis à nu 77 millions de joueurs (on atteint la barre des 100 en ajoutant les 24 millions de Sony Online Entertainment), les Anon ont démenti toute implication dans un communiqué mis en ligne le 4 mai, avec une ligne de défense simple et concise:

Les Anonymous ne se sont jamais distingués en volant des numéros de carte de crédit.

En d’autres termes, les “hacktivistes” mettent en avant un principe moral, celui de l’auto-régulation par la communauté, pour justifier ce qu’ils s’autorisent, mais surtout ce qu’ils ne s’autorisent pas, comme des pirates qui refuseraient de s’attaquer aux femmes et aux enfants. Malgré leurs dénégations, le mal est déjà fait.

Les Anonymous se font pirater

Depuis quelques mois – nous en avions déjà parlé ici – la structure des Anonymous a évolué. D’un noyau dur issu des imageboards (surtout le /b/ de 4chan) et porté sur la culture LOL, les chans IRC se sont enrichis de nouveaux membres, plus politisés. A la faveur de l’épisode WikiLeaks et des révolutions arabes, les Anonymous ont muté. D’une voix cynique et drolatique, la parole anonyme a pris du corps, sans devenir plus audible pour autant. Aujourd’hui, n’importe qui peut invoquer les Anon pour justifier son idéologie, avec des effets potentiellement contradictoires, et assurément nuisibles pour la communauté.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si anonops.ru, qui héberge le principal canal de discussion des anonymes, a été piraté le week-end du 7 mai, selon un modus operandi qui n’est pas sans rappeler celui des Anonymous eux-mêmes. Au total, environ 700 adresses IP d’utilisateurs seraient dans la nature, révélant le pseudonyme des “membres” et leur identité supposée. Une bonne partie des utilisateurs passant derrière des proxys pour se connecter, il est souvent impossible de déterminer leur identité. L’ironie de la situation se traduit parfaitement dans le cartoon ci-dessus, mais elle est à relativiser. Parmi les dizaines de noms figurant en clair dans cette liste, on retrouve bon nombre de… journalistes, curieux de voir ce qui se trame sur ces fameuses plate-formes d’échange.

Dans ce qui ressemble fort à une guéguerre intestine entre anciens et modernes (du type 4chan contre Tumblr), on mesure les dissensions au sein de la communauté anonyme. Elle n’a jamais été un corps constitué, mais désormais, elle doit aussi gérer les sensibilités presque infinies de ses petites mains, toutes placées sur un pied d’égalité.

Au seuil de la légitimité

Face à un climat de défiance où le cadre idéologique de ces internautes invisibles se dérobe encore un peu plus, certains commencent à s’interroger sur les limites de l’exercice: les Anonymous peuvent-ils se livrer à des actes criminels? Qu’ils soient ou non derrière le piratage de Sony, ils sont désormais identifiés sur le radar des autorités américaines, peu enclins à la discussion.La rhétorique est bien connue: s’ils ne disent pas leur nom, c’est qu’ils ont quelque chose à cacher, ou que leurs intentions sont mauvaises, en escamotant soigneusement le vrai débat sur l’anonymat en ligne (brillamment défendu par Christopher “moot” Poole, le géniteur de 4chan, dans la vidéo TED ci-dessous).

Déjà, au mois de janvier, le FBI avait lancé 40 mandats d’arrêt contre des pirates présumés. Le motif? Ils étaient accusés de s’être introduit dans les systèmes d’information de plusieurs organismes bancaires, pour protester contre les mesures de rétorsion prises à l’encontre de WikiLeaks.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dès lors, il faut bien faire le distinguo entre ce que la justice considère comme illégal et ce que les Anonymous eux-mêmes estiment déplacé. S’ils comparent les attaques par déni de service (DDoS) à des sit-ins modernes – donc raisonnables – ils refusent implicitement de se livrer à des opérations frauduleuses telle que celle dont Sony a été victime. Cette frontière peut sembler subtile, mais dans la guerre de l’information, elle pose une question que connaissent bien les groupuscules terroristes auxquels LCI semble vouloir comparer les Anonymous: celle du seuil de la légitimité.

Traditionnellement, la dialectique lie cette légitimité à la légalité. De ce point de vue, on comprend mieux la logique sécuritaire presque paranoïaque: aux Etats-Unis, une attaque DDoS, le mode d’action privilégié des Anonymous, est punie de dix ans de prison.


Crédits photo: Flickr CC Ben Fredericson, stibbon, illustration XBCD

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Saul Williams: “ceux qui peuvent gagner, ce sont les artistes” http://owni.fr/2011/02/27/saul-williams-ceux-qui-peuvent-gagner-ce-sont-les-artistes/ http://owni.fr/2011/02/27/saul-williams-ceux-qui-peuvent-gagner-ce-sont-les-artistes/#comments Sun, 27 Feb 2011 15:12:20 +0000 Owni Music http://owni.fr/?p=48613 Nous avons rencontré Saul Williams lors du Midem 2011, le marché international du disque et de l’édition musicale, alors que la sortie de son nouvel album Volcanic Sunlight est prévue pour le printemps 2011.

Saul Stacey Williams est poète, acteur, écrivain, chanteur, rappeur, artiste multi-instrumentiste…c’est un slammeur reconnu lorsqu’il est sollicité pour tenir le rôle principal du film de Marc Levin Slam en 1998. Il sort deux albums avant d’offrir The Inevitable Rise And Liberation Of Niggytardust, un album co-écrit et co-produit par Trent Reznor, le fameux leader du groupe NIN (Nine Inch Nails), en 2007 et en Pay What You Want (ou Prix Libre).

A Cannes, il n’a accepté qu’une seule interview, celle d’OWNImusic et après avoir annulé tous les concerts prévus en Europe, il a gardé la seule date du Midem Talent. Une première date face à un parterre de professionnels, qui montre à quel point cet artiste est un explorateur visionnaire, provocateur, dont le talent ne peut être ignoré puisque son succès a été maintes fois validé et que l’attente du prochain album semble interminable pour les fans.

Après une petite session de négociation avec son label, il nous reçoit dans sa chambre d’hotel. Sa voix grave est apaisante, son discours aussi intègre que sa musique. Saul Williams est connu pour être un artiste “hors piste”, il est un concept à lui tout seul et cette rencontre nous a permis de comprendre la particularité de sa démarche.

Il nous explique sa perception des changements qui s’opèrent dans le monde et comment selon lui la musique et les arts en général peuvent en bénéficier. Saul a été l’un des premiers à être honnête avec son public en se réappropriant le choix qu’il avait déjà, celui de payer ou pas pour ses créations. Saul n’est pas un homme rebelle avec un esprit de contradiction systématique, mais il sait que la vie est une question d’équilibre et que chaque projet est à traiter au cas par cas.

Nous savons que cette vidéo ne pourra en aucun cas reconstituer ce que dégage le personnage, mais nous estimons que son discours est pertinent, même si les sujets abordés dans cette interview sont analysés chaque jour par des journalistes. Nous trouvons captivant que pour une fois, cette ère de mutations soit évoquée par un artiste et non un professionnel du secteur.

Ci dessous, l’interview réalisée par OWNImusic:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Premier clip extrait de l’album “Volcanic Sunlight” : Explain My Heart

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Saul Williams a lancé la promotion de Volcanic Sunlight en Novembre avec une campagne QR code. En scannant ce code à l’aide d’un smartphone, vous pourrez télécharger gratuitement le premier extrait intitulé Explain My Heart en échange d’une adresse email:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Retrouvez l’interview intégrale, bientôt sur OWNImusic.


Montage vidéo : Romain saillet. Crédit musique : Artner

Illustrations CC FlickR: lavid

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Rêve de Geek, théorie du complot ou réalité : choisir tu devras http://owni.fr/2010/03/02/reve-de-geek-theorie-du-complot-ou-realite-choisir-tu-devras/ http://owni.fr/2010/03/02/reve-de-geek-theorie-du-complot-ou-realite-choisir-tu-devras/#comments Tue, 02 Mar 2010 17:10:22 +0000 Emgenius http://owni.fr/?p=9307

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Subtilement, comme un frémissement de la force seulement perceptible de Maître Yoda, la République de France et son corollaire planétaire, basculent vers un empire numérique d’Après. J’ai commencé à m’en rendre compte à l’époque du vote d’Hadopi, au nom de la sacro-sainte liberté des ayants droit à sauver leur business malmené par le téléchargement. J’attends donc que la rébellion guidée par ce jeune puceau brushingué pilote de X-wing vienne foutre le bordel. Mais j’ai un doute.

Palpe A Tignes

Ça a commencé par une petite loi, répercutée en Suède ou au Royaume-Uni, qui n’a pas ému grand monde. Après tout, que les gamins se remettent à consommer légalement la daube packagée par Pascalou et ses amis n’est pas un sujet de prime importance dans un monde soumis au diktat des crises économiques et écologiques. Sauf que. Sauf que personne ne s’est réellement indigné, dans l’opposition ni l’opinion publique qu’une industrie culturelle s’interdise, et fasse interdire le mouvement vers le renouveau et rende pirate toute réflexion autour d’une alter-consommation.

Un peu comme si la filière charbon au milieu du xxe siècle s’était mise à imposer un produit salissant et économiquement non neutre contre la technologie électrique, mélangeant un discours réel de danger nucléaire et de faux arguments concernant la difficulté à produire ensuite des calorifères efficaces. Obligeant le monde entier à se salir les doigts, descendre à la cave avec le seau à charbon pour nourrir le poêle alors que tout un chacun pourrait produire son énergie éolienne. Ceci au prétexte que les constructeurs d’éoliennes ne se préoccuperaient que très peu des artistes et de leur possibilité de se nourrir. Il faut bien manger qu’ils disent. Moi je réponds que d’habitude, quand on va produire une Renault en Turquie ou qu’on ferme une aciérie de Lorraine, on s’en occupe assez peu de la perte d’emploi et de la galette de riz qu’on mange.

Ainsi, une industrie a réussi a faire légiférer contre le plaisir de la population, sur des principes liés à la consommation de fichiers numériques ou de rondelle irisée. Que nombre de groupes contemporains se soient créés en accédant au vivier Napster, que plein de gens puissent avoir accès à une forme de culture musicale ou cinématographique, que les mêmes industries culturelles Warner, Sony… vivent déjà en partie des reports financiers de la population du disque et du DVD vers l’informatique, les concerts devenus hors de prix ou les jeux pour consoles nouvelle génération… Tout cela importe peu.

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Plutôt que de réfléchir à un autre business possible (les revenus numériques d’Universal ont progressé en 2009… qui en a parlé ?), plutôt que de promouvoir une autre forme d’économie mélangeant stream, concert et merchandising (cf. ma réflexion ici), ils ont préféré refermer la porte du pied comme pour éviter le courant d’air.

Ça a commencé comme ça, dans ma réflexion de Padawan. Une législation liberticide a interdit la remise en question. La crainte de licenciement, l’image de l’artiste sonnant à la porte de Mécène pour quémander son panier d’artiste a eu raison de la réflexion globale, innovante, différenciée.

Et puis vint l’empereur Dark Sidious

Puis il y eut les pédophiles, les jeux vidéos violents et les petits n’enfants qui risquent de tomber sur les bites de Chatroulette, les vilains mafiosos aussi qui polluent la planète et droguent les fils de bonne famille… Loin de moi l’idée de cautionner pédophilie ou mafia. Loin de moi l’idée de tenir un discours tout rose quant à internet. Mais de la crainte naquit le vote de Loppsi.

Je n’ai pas envie que ma progéniture se fasse alpaguer par un pédophile sur MSN. Je n’ai pas envie qu’un guignol squatte ma page Facebook ou se mette à vendre du Viagra via mon blog (il l’a déjà fait le bougre). Pourtant je m’insurge contre le relatif manque d’implication de la population contre Loppsi. Ces mêmes gens qui s’insurgent contre les teubs sur Chatroulette et qui n’ont aucun scrupule à laisser des bouts de chou de moins de trois ans à de parfaits inconnus ou presque, appelés nounous agréées. Ces mêmes gens qui regardent nos chaînes nationales et ne détournent pas les chastes yeux du JT où pleuvent les cadavres, ou des teasers de CSI plein de macchabées. Ces mêmes gens qui oublient que l’usurpation d’identité est déjà un délit pénal, que la pédophilie est déjà condamnée et qu’on peut aussi élever sa progéniture, à partir d’un certain âge, une fois qu’on a décidé ensemble de désactiver le logiciel de contrôle parental. Prendre le temps d’apprendre ce qu’est une e-réputation et quels sont les mécanismes des connards cachés derrière le web.

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Ils ont voté Loppsi dans une indifférence quasi généralisée. Parce que Facebook c’est le mal et ça s’attaque à tes données privées. Parce que Google stocke tes données personnelles pour t’envoyer des pubs ciblées. Mais ils se moquent pas mal de savoir qu’il faudrait un « pas grand-chose » pour que les infos de la carte vitale soient reliées à un assureur ou qu’on utilise Navigo et puce de GSM pour savoir précisément où on se trouve. Pour un but largement moins coton que me fourguer des publicités liées aux services mobiles. Ils ont oublié que Facebook ne se nourrit que de ce qu’on lui donne et que c’est avant tout d’éducation aux nouveaux médias et à l’identité numérique dont les ados ont besoin, plutôt que d’interdiction au sens rétro du terme.

Parce qu’une loi et une interdiction c’est un écrit à double tranchant. Parce que si tu donnes une loi à un homme ,il sera protégé un jour, si tu l’éduques, il sera protégé toute sa vie…

Pendant ce temps, de l’autre côté des Alpes, Berlusconi usant des mêmes types d’armes a décidé de faire taire les webtv qui gênent un peu trop le discours lissé à grand frais de communication télévisuelle. Ils ont voté Loppsi et il n’y a plus qu’à espérer que jamais un gars comme Pétain (notez je ne dis pas Hitler pour ne pas atteindre le point Godwin) ne revienne en France et ne décide de valoriser le travail, la famille, la patrie ; quitte à éradiquer au nom de la morale, les activistes du web qui oseraient nuire à l’ordre public en instillant des idées perverties dans les jeunes cerveaux.

« #Merilest fou » es-tu en train de penser. Oui sans doute un peu. Heureusement que la France ne se met pas à repenser des discours d’identité nationale ou que l’Hexagone ne se mette pas à fustiger une partie de la population pour des notions de religion ou de port de casquette de travers… hein. Heureusement dites. Ok « #merjesuisfou » quand même.

L’Empire galactique marque le retour du règne Sith sur la galaxie, après celui de la démocratie sous la protection du Conseil Jedi. L’Empire est une formidable machine de guerre, associant un grand nombre de vaisseaux et une technologie importante. De nombreuses découvertes sont faites. Cependant, il y a quand même un point noir sur le plan social ; l’Empire galactique a régressé par rapport à la République. En effet, c’est un empire xénophobe, qui privilégie les humains aux autres espèces de l’Univers. Les infractions à la loi sont rapidement suivies d’exécutions ou de sanctions très importantes. Son armée est composée de non-clones entraînés dans des mondes comme Carida.

Une paix impériale, voire royale

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Ils ont voté Loppsi. Puis on a annoncé l’iPad. Un gros iPhone en somme. Apple a annoncé l’iPad et les médias se sont engouffrés dans la brèche. Parce que quand même c’est hype un Steve Jobs. C’est un truc végétarien qui fourmille de bonnes idées, même après être revenu de chirurgie. Ils n’ont pas tout à fait tort les journalistes. Mais surtout ils se remettent à rêver. Enfin pas forcément le pigiste chargé de l’analyse technique de l’engin, non non. Son chef, et le chef de son chef. Et l’actionnaire qui investit depuis des années des ronds dans un truc qu’il a du mal à rentabiliser. Et son collègue du gouvernement qui subventionne chaque année un truc qui dit parfois du mal et ne rapporte pas toujours.

Apple a annoncé l’iPad et la presse s’est mise à rêver pour elle-même des modèles économiques de l’App Store. On pourra revendre des pages web comme on vendait jadis des journaux. On va pouvoir faire de l’Internet payant, ajouter de la valeur à nos rédactions, à tous ces fainéants qui composent nos rédactions. On va les appeler journalistes globaux. On les payera au papier et ce papier on le poussera sur tous les médias payants. One fits for all. Qu’importe si l’info qu’on relaie est strictement la même que celle du voisin branché lui aussi sur l’AFP, qu’importe si, de fait ,de journal d’opinion on est surtout devenu une entreprise avec un comptable et des comptes de résultats, des familles et des bouches à nourrir. L’App Store appliqué à la presse serait la panacée. Le Graal. Comme les copains des maisons de disques, on n’aura pas à se poser la question de notre valeur ajoutée, de notre mode de fonctionnement, de notre utilité ou du rôle de notre métier dans un monde qui va généralement plus vite que notre structure à l’ancienne. L’information va redevenir payante, youpiiiii les gens seront prêts à acheter le bousin et nous à repartir comme en 40 euh non, comme en 45. Restera juste à fustiger un peu ces cons de blogueurs et prédire leur mort annoncée. Ils l’ont déjà fait ? naaaaaaaaan ;-)

Depuis une semaine, Orange prétend qu’il y a Internet et Internet par Orange. Et tout le monde s’en fout. L’App Store a ouvert la voie. Défriché les réticences. Ben oui puisqu’il y a services mobiles et App Store. Puisqu’il y a Internet et Internet sur iPad, pourquoi n’y aurait-il pas aussi Internet et Internet par Orange. De l’Internet enrichi, selon la publicité de l’opérateur. De l’Internet qui donne envie de venir chez nous. Quoi Internet c’est neutre ? Ben non regarde, Apple a décidé qu’il n’y aurait pas de fille nue dans son internet propriétaire, et il n’y a pas de fille nue dans l’Internet par Apple. Oui quoi oui ok y’a le navigateur sur l’iPhone. Vous avez déjà fait le test ? Qui va encore sur le navigateur quand il a les applications idoines validées par Steve Jobs. Et puis quel navigateur d’abord ? Le navigateur Internet ou le navigateur Internet par Orange d’après Loppsi et filtré Hadopi.

Oiseau de mauvais augure, m’entends-je répondre. Placer Pétain dans une chronique est de mauvais goût. Tu sais bien que la France ne sera jamais une dictature. Regarde le tollé quand Le Pen est arrivé au second tour. Oui. Vous n’avez pas tort.

Ou l’économie réelle remplace la “théorie du complot” dont je sais que vous allez me taxer. Allez avouez.

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Le pire, c’est que ce que je crains le plus n’est pas un putsch dictatorial à la Palpatine, façon grand complot stellaire. C’est un putsch de démocratie économique. Quand nous serons bien mûrs. Quand nous aurons ré-appris à acheter le dernier Michel Sardou, à payer pour un DVD de film blockbuster, voire à repayer pour la catch up d’un film qui est déjà passé à la télévision… La dictature économique risque d’envoyer toute réflexion, toute réelle liberté d’expression, toute remise en question des modèle au rang des oubliettes de l’histoire contemporaine.

Quand Overblog ou OVH se sera mangé ses X procès pour mauvais contrôle des contenus publiés, vont-ils continuer à fournir un accès de base à tarif tout démocratique ? Quand on aura mis en cause le FAI pour le fichier illégal ou irrévérencieux passé par son réseau, quand la controverse ne sera plus possible donc plus génératrice de pages vues publicitaires ; leur modèle économique sera-t-il encore viable ? Sera-t-il économiquement intéressant de proposer des modèles démocratiques ou gratuits et publicitaires ?

Quand la France aura connu ces premiers procès retentissant liés au téléchargement illégal, les maisons de disques continueront-elles à nourrir Spotify et Deezer (qu’elles sucent au sang en ce moment en attendant des jours meilleurs) ? Quand il faudra payer pour lire Slate, Libé, Le Figaro ou Le Post, quand émettre un commentaire sur Rue89 sera payant est-ce qu’on aura encore un large panel de commentateurs représentés, un large choix de lecture d’opinion ou faudra-t-il se résoudre à l’économie et à la pensée d’une seule source? Quand il faudra systématiquement payer pour obtenir un contenu musical, voir un film ou une série américaine qui, à part les maffias et les marchands de disque dur, pourront encore enrichir leurs connaissances, développer leur créativité au vu de la diversité.

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Quand il faudra additionner le coût de la VOD au jeu Playstation, quand ce coût viendra s’ajouter aux frais de stockage de photos sur le web, et à l’hébergement web, quand cette facture viendra s’enrichir de celle de l’internet ++ avec Orange et de l’accès au portail 3G++ de Vodafone… qui aura encore accès aux web, qui pourra encore poser une idée divergente, un avis, un concept qui ne soit pas d’abord filtré par l’accès au portefeuille et la possibilité de sortir les biffetons supplémentaires. Certaines entreprises mettront la clé sous la porte. D’autres se repenseront. Sans doute celles moins « mainstream » ou ciblant une niche. Celles capables de se réinventer rapidement (ce que n’ont pas su faire les industries culturelles pour info)

En quoi le net sera-t-il encore neutre, multiple, nourri de mille voix ? En quoi les entreprises de presse, les médias et les industries culturelles seront appelées à innover sous peine de mort poussée par une foule plurielle, consommatrice mais autrement.

Où naîtra la vraie réflexion, la pensée multiple opposée à la pensée unique validée par Loppsi et les gouvernements ? Où se diffuseront les étincelles de génie et les brasiers contestataires. Où sera-t-il possible de trouver le contraire du pire et de se former à ne pas se laisser berner par le pire au contraire ?

Hadopi, Loppsi, Ipad, ACTA, Patriot Act, lois italiennes, Internet et Internet par Orange se sont bousculés dans ma tête cette nuit au milieu d’un rêve de geek. J’ai entrevu l’ère digitale de demain qui ressemble presque à l’image que Korben en a faite. Pire encore, parce que chacun de ces éléments sera venu en loucedé, discrètement, à la faveur d’une faillite économique, d’un procès retentissant, d’une charge contre l’immoralité.

Petit à petit. Pas à pas et de démission publique en impression de ne pas être concerné. Derrière des hurlements de cabri sur telle ou telle trivialité du paysage politique. Tout se met en place pour un appauvrissement de l’offre gratuite, démocratique et le retour des anciennes pratiques économiques remodelées à l’usage du web. Après il ne reste plus que le passage d’un Aigle ou d’un Pétain du XXI e siècle pour que comme ça, gentiment de « rien à foutre » en WTF nous ayons nous-mêmes laissé se créer un nouveau monde policé et moraliste.

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Reste à espérer que ce jour là la France des Lumières que j’ai toujours encensé se réveillera, mue par un commun intérêt (la liberté ? Le pouvoir d’achat ? La fin du capitalisme financier ?) et s’en ira prendre la bastille numérique. Ce jour là je ferai partie du corps brabançon et porterai sur la poitrine ma cocarde planétaire.

Le manque de liberté attise les rébellions, et bien que de nombreux systèmes n’osent pas combattre par peur des représailles de l’Armée impériale, un groupe de rebelles intrépides ose s’opposer à lui. Ils infligent beaucoup de pertes aux impériaux grâce à des techniques de guérilla.

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@Emgenius

Plus+

Toutes mes références historiques sont tirées d’ici

> Toutes les illustrations proviennent de la merveilleuse galerie Flickr Stormtroopers 365 de Stéfan

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http://owni.fr/2010/03/02/reve-de-geek-theorie-du-complot-ou-realite-choisir-tu-devras/feed/ 17
“Peut-on juger un journal par ses lecteurs, un élu par son électorat, un artiste par son public ?” Interview exclusive de Diane Tell http://owni.fr/2009/11/05/interview-exclusive-de-diane-tell/ http://owni.fr/2009/11/05/interview-exclusive-de-diane-tell/#comments Thu, 05 Nov 2009 09:59:48 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=5186 diane21Trouvée par hasard sur la toile, au gré d’un lien et d’un commentaire, Diane Tell m’a beaucoup surpris. L’artiste venue du Québec poursuit son bonhomme de chemin d’artiste engagée depuis un bon moment déjà, et la pudeur m’oblige à ne pas être plus précis, mais surtout se démultiplie en ligne.

Interpellé par son regard critique, lucide et parfois même radical, nous avons eu quelques courts échanges mais il m’en fallait davantage. Disponible, elle a accepté de répondre à mes questions pour Owni.

Attention les yeux, ça pétille !

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Diane Tell bonjour, pouvez-vous vous présenter… en 140 caractères ?

Je le peux, à condition d’y ajouter quelques liens vers ce qui m’est extérieur mais pas étranger ! Je suis ce que j’aime ! Espaces compris !

(140 précisément !) [NDLR : bravo, c'est ce qu'on appelle un twoosh]

On connaissait la chanteuse venue de la Belle Province et installée dans le Pays Basque, j’ai découvert plus récemment votre activité numérique : un blog, un compte Twitter, mais aussi Facebook, MySpace, FlickR, YouTube. Depuis quand assurez-vous votre présence numérique ?

Le numérique est présent, sans interruption, dans ma vie depuis le début des années 80. J’ai acheté en 1981, dès sa sortie, le premier IBM PC avec son processeur à 4,77 MHz, sa mémoire RAM 16K extensible à 64K et son affichage monochrome mode texte uniquement ! (Je l’ai toujours)

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Pour ce qui est de ma présence sur la toile, mes premières connections datent de 1996, année de ma rencontre avec Jean-Pierre Joignant mon fidèle collaborateur. Nous avons débuté en ligne avec Zeruko Txalupa , site dédié à notre engagement auprès d’Air Solidarité, rallye humanitaire aéronautique auquel j’ai participé en tant que pilote et marraine de 96 à 99. Les internautes pouvaient suivre le journal du voyage presque en temps réel ! A l’époque en Afrique, pour envoyer une image de quelques dizaines de kilobytes, il fallait s’adresser à un fournisseur d’accès local et lui verser une coquette somme en FR CFA ! Pour les textes, j’envoyais des fax manuscrits et Jean-Pierre mettait en ligne ses transcriptions. Le passage à l’ère du XXIème siècle à peine franchi, j’ai troqué mon casque David Clark de pilote pour un Sony Pro de studio et me suis remise à la musique à plein temps. En 2003, www.dianetell.com version flash est lancé, un site plus axé sur la musique, et en 2008 j’entre dans l’univers des blogueurs du net ! J’ai créé ensuite des pages Web 2.0, sortes de satellites au site principal avec l’avantage d’un hébergement sur un serveur communautaire très populaire.

Pour quelle raison : est-ce par goût personnel, pour vous exprimer en ligne, pour préserver votre image et votre identité numérique, pour entretenir des relations avec vos fans ?

Je ne sais pas s’il est possible de préserver une image sur le net mais il est indéniable que l’on peut y transmettre une impression plus personnelle, plus complète de son travail et de ses idées. Le temps d’antenne des médias classiques est très court. Ma contribution chatouille un peu l’image reçue, le cliché façonné par le temps qui passe et par tout ce qui ne passe pas dans les médias traditionnels. Pour ce qui est des fans, ceux qui suivent mon parcours avec une ferveur touchante, j’ai surtout envie de leur donner de la matière… Je préfère l’idée de transmettre du pur contenu à celle de communiquer de l’information. Quant au contact direct avec le public, il me rapproche de la scène ! On se sent moins seul, la réaction est immédiate. J’ai toujours l’impression de donner moins que je ne reçois mais j’y passe un temps fou alors je ne culpabilise pas trop !

• D’après vous, est-ce que la relation directe entre le public et l’artiste et la désintermédiation des rapports en général sont devenus des passages obligés ? Ou bien une chance à savoir saisir ?

Internet, ou plus généralement l’informatique, est une chance pour les uns, un passage obligé pour les autres. Personnellement je me régale. J’aime l’outil et j’aime l’esprit de la communauté qui y adhère. Je surfe beaucoup et m’occupe de tout le contenu de mon site et des pages web 2.0. L’industrie de la musique, en particulier ses artistes, techniciens et créateurs, est l’un des premiers secteurs à avoir exploité tous les avantages techniques (parfois trop !) et innovants de l’informatique dès les années 80. Malgré les clichés défaitistes, la musique est très présente sur la toile, super diversifiée, en « net » progression ! Ce qui n’est pas le cas dans les médias traditionnels.

Les jeunes artistes qui débutent aujourd’hui ont un avantage sur leurs prédécesseurs : ils sont nés sur le net où surfe leur public H 24. Un artiste qui a fait des LP peut s’adapter, maitriser les nouveaux outils, innover, transgresser les codes mais son public le suivra-t-il ? Ou devra-t-il en fin de compte séduire un nouveau public ?

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• Votre compte MySpace fait un peu penser au 1337 5|*34|< (leet speak) des geeks, vous êtes une technophile avertie ?

Pour répondre à votre question, j’ai dû aller voir ce que « leet speak » signifiait, c’est vous dire mon niveau de geek ! Pour tous ces détails, il faudrait s’adresser à Céline, Jean-Pierre et Julie. Je peux mettre en ligne du contenu, j’ai longtemps travaillée avec le logiciel Digial Performer, aujourd’hui avec Protools pour la musique, Photoshop pour l’image, etc. Mais pour moi entrer dans un programme informatique, c’est comme ouvrir le capot d’une voiture… je ne peux qu’admirer béatement l’air puissant de l’engin : je ne saurais pas quoi en faire !

• Vous commentez également en ligne, et de manière abondante. Pourquoi si peu d’artistes s’expriment-ils en ligne, non pas dans leur espace, mais ailleurs ?

Les pages d’artistes « installés » sont généralement des espaces dédiés à la communication. Simple gestion d’image. Peu d’artistes s’expriment personnellement sur leur site, ce qu’ils ont à dire, ils le disent dans leurs œuvres – album, livre, film, photographie… Je peux comprendre ce choix de ne pas en rajouter. Pour ma part, j’en montre un peu plus par goût pour la réflexion, l’échange, l’écriture, la petite histoire et les archives ! Ce n’est pas pour me mettre en avant que je blogue, c’est pour me mettre en mémoire.

Si les artistes en contrat s’expriment peu sur Hadopi c’est peut-être pour ne pas contrarier leur maison de disques plutôt « pour » et préserver leur image auprès du public assez « contre ». Un artiste a très peu de pouvoir dans cette industrie, alors qu’il intervienne ou non, ça ne changera pas le cours des choses. Le seul pouvoir qu’on lui reconnaît et encore, c’est celui de « vendre ». C’est une industrie, pas un parc d’amusement. Ce qui me gêne c’est le décalage entre le discours officiel en faveur de la création et la cruelle réalité du marché depuis toujours.

• Vous vous êtes manifestée ouvertement et très fermement contre Hadopi : qu’est-ce qui ne va pas dans cette loi ?

Mes problèmes avec cette loi en devenir ont commencé en 2006. Une personne chez Sony m’a envoyé une pétition à signer en faveur de la répression des pirates ou contre la piraterie, je n’ai pas le souvenir précis du contenu de la lettre mais ça allait dans ce sens. J’ai refusé. Une heure après le numéro 2 de la maison de disques me téléphone pour m’engueuler !

J’étais la seule artiste du groupe à ne pas avoir signé, rendez-vous compte ! Nous sortions de la très mauvaise période des DRM sur les CD, je ne voulais pas soutenir un autre modèle sans suite…

a) Commençons par la fin, cette loi est dépassée. Le téléchargement sauvage n’est pas mort mais y’a comme une odeur. Il a déjà perdu une très grande part de marché noir face au streaming. Et le flux, c’est l’avenir. Pourquoi avoir chez soi de gros disques durs pleins à craquer et susceptibles de planter à tout moment alors qu’on peut accéder facilement sans stockage au même contenu ? Pourquoi s’emmerder à télécharger de lourds fichiers et tous les additifs viraux qu’ils peuvent transmettent ? La question des supports n’est pas réglée. La mutation suit en cours. Ce qui ne va pas dans cette loi c’est son attachement au support. Le support n’a plus d’intérêt aujourd’hui. Le support physique CD oui, pour la pochette. Avoir un fichier chez soi ou sur un serveur à Seattle c’est exactement la même chose.

b) Si j’ai bien compris, c’est aux ayant-droits de signaler à la Haute Autorité les fraudes. Aux ayant-droits d’enquêter, d’apporter les preuves et d’identifier les coupables. Qui sont-ils et comment vont-ils s’y prendre ? Qui prend en charge les frais ? Ca me choque de ne pas avoir de réponses à ces questions.

c) Faites un retour en arrière et observez la France en 1980 et la musique diffusée alors sur les ondes de Radio France, RTL, Europe 1 et Radio Monte-Carlo. Imaginez un an plus tard l’irruption sur tous les toits de dizaines d’émetteurs et sur la bande FM la diffusion du contenu anarchique de radios libres de tout contrôle, sans règles ni ambition, des improvisanimateurs dopés de convictions, en roues libres, NRJ période Jean-Pierre d’Amico, des radios créées de toutes pièces dans un appartement, un garage, hyper communautaire, un peu comme Internet aujourd’hui. Regardez maintenant ce que la FM est devenue 28 ans plus tard, ce qu’est devenu NRJ, le formatage, les antennes toutes regroupées en holding. Imaginez Internet dans une vingtaine d’années. Je suis pour plus de liberté. Je ne souhaite pas qu’Internet devienne dans 20 ans le terrain de jeux d’argent de 4 majors qui m’imposeraient leurs goûts, leurs couleurs et leurs règles. Je parle en tant qu’artiste et citoyenne !

d) Internet est à la fois distributeur et diffuseur de contenu. La FNAC et France Inter réunies. Le streaming, c’est de la diffusion ou de la distribution de contenu ? L’outil est formidable, mais c’est très nouveau. Hadopi ne se penche pas sur ces questions, elle ne valide qu’une chose : que les lois du monde réel s’appliquent au monde virtuel. Ceux qui ont le pouvoir dans le monde réel tentent de le faire valoir dans le monde virtuel en s’appuyant sur des lois.

• Quel rapport entretenez-vous avec les maisons de disque ?

J’en ai trois ! Une pour le passé, une pour le numérique et une pour le nouvel album ! Les rapports sont différents avec chaque collaborateur mais toujours bons je crois, pour moi en tous les cas.

diane• Vous n’y allez pas de main morte : « Le CD c’est certain deviendra d’ici peu au mieux un produit d’appel au pire un produit dérivé, au même titre qu’un t-shirt, un poster, un autocollant ou autre babiole à l’effigie de l’artiste. […] Le troisième millénaire signe la mort du contenant, de l’emballage, du paquet cadeau ». Quels modèles économiques envisagez-vous pour permettre aux artistes musicaux et vidéo de vivre de leur travail ? Quels choix avez-vous fait personnellement ? (scène, petit label, production, maison de disque en ligne, autoproduction…).

Les disquaires ferment leurs portes, l’espace consacré à la musique diminue ou disparaît des espaces informatico-culturels, il ne peut pas y avoir de ventes sans surface de ventes. Les gens sont passés à autre chose. Le CD (ou autre support) a un avenir en tant qu’objet pour fan ou collectionneur et puis il faudra bien en fabriquer pour les concerts ! Il se vend beaucoup de CD les soirs de concerts. Le CD est à l’album ce que la sortie en salle est au film. Symboliquement l’objet a sa valeur. Sur le marché, il en a encore, moins qu’hier, plus que demain. Je n’ai pas de modèle à défendre pour l’artiste qui veut vivre de son art aujourd’hui.

L’artiste doit se comporter comme un artisan, se faire respecter pour la qualité de son travail, vendre celui-ci librement à sa clientèle. Si possible, conserver ses droits : d’auteurs, éditoriaux, phonographiques, voisins etc. On vend peut-être un artiste mais ce qui rapporte c’est la chanson et son enregistrement x autant d’albums.

Pour ma part je suis producteur et éditeur depuis très longtemps, je travaille avec une major Sony, une e-compagny Believe et un historique petit label Celluloid. J’ai ouvert ma boutique en ligne sur mon site. J’expédie dans le monde, c’est l’avantage et le CD arrive dédicacé !

• Vous portez un regard critique sur les médias, que vous consultez manifestement avec attention. Vous lisez plutôt par fidélité, ou au hasard selon les thèmes ?

Je peux répondre très précisément à cette question. Je suis abonnée à Libération.fr, @si, XXI, Backchich, Médiapart, et je soutiens d’une brique Rue89… Je me suis abonnée à ces sources d’information parce que je prends plaisir à les lire et par engagement. Je lis aussi le Canard et Technikart. Je survole toute l’autre presse en ligne tous les jours et vais sur quelques blogs… beaucoup de titres français, je surfe aussi au Canada, aux Etats-Unis, ailleurs…

• En quoi la crise de la presse (crise économique, crise de confiance) en France vous touche-t-elle ? Comment cela se passe-t-il de l’autre côté de l’Atlantique ?

La fermeture d’un journal, qu’il soit ou non à notre goût est une triste affaire. Internet bouleverse considérablement l’industrie de l’information parce que c’est bien d’une industrie qu’il s’agit. On vend du papier, de la publicité, je dirais presque, peu importe le contenu ! Tous les chemins mènent au support. En ligne il y a d’avantage de contenu qu’en version papier, avec les archives, il y a même de l’audio, des images en diaporama et des vidéos. Et puis lire son journal en ligne, écologiquement, c’est un geste fort ! Le problème c’est qu’il n’y a pas de support, donc pas de prix, pas d’acheteur. Je ne sais pas comment ça se passe en Amérique mais sans risques de me tromper je dirais que les mêmes causes produisent les mêmes effets à plus ou moins grande échelle dans les pays économiquement proches.

• Vous avez dédié une rubrique « Si j’étais journaliste » à votre blog. Vous auriez aimé être journaliste ?

J’aime lire et écrire, je suis curieuse et photographe, indépendante et rigoureuse mais je suis aussi très naïve, et ça c’est incompatible avec le métier de journaliste ! Je me contente d’écrire quelques billets librement sur mon blog. J’aime beaucoup aller sur les blogs des autres également.

• L’irruption en force des lecteurs, commentateurs et des blogueurs dans le panorama de l’information, c’est un mouvement qui vous paraît superficiel, utile, perturbateur ?

Rue89 a fait une étude révélant qu’une toute petite partie des riverains de leur site participaient à la discussion en rédigeant des commentaires. Peut-être, mais ils sont très lus. A prendre et à laisser. Peut-on juger un journal par ses lecteurs, un élu par son électorat, un artiste par son public ? Je ne sais pas. La parole est utile à celui qui la prend puisqu’il l’a prise. Pas toujours à celui qui la lit. Il y a d’excellents blogueurs sur le net, je suis friande, je surfe beaucoup, parfois à l’aveugle ou presque.

• Un petit mot sur votre actualité : Docteur Boris et Mister Vian est sorti il y a quelques jours sur iTunes. On ne vous connaissant pas si jazzy, c’est récent ou s’agit-il d’assouvir une envie déjà existante ?

J’ai étudié la guitare jazz, c’était mon instrument à la fin de mes études. Mon premier album était pur jazz, même, avec des chansons originales. Un solo de voix par titre, rien que ça ! Pour les albums suivants, toujours quelques titres jazz : Gilberto, L’indésirable, Les trottoirs du boulevard St-Laurent, Dégriff’moi… J’ai toujours flirté avec le jazz, ce répertoire de standards adaptés par Boris Vian était irrésistible !

• Des projets sur scène, ou au théâtre ?

Je fais toujours de la scène, je prépare avec Deghelt Production une tournée en 2010 avec Laurent de Wilde comme directeur musical et trois autres musiciens.

spaceballpixou• Verra-t-on un jour exposées vos photographies ?

J’ai exposé tout l’été, d’autres expositions sont en préparation pour mes Pixous, des photos argentiques découpées au pixel ! Un travail que l’on peut voir en ligne toute l’année.

• Quel est votre plus beau souvenir de scène ?

Mon premier Olympia me vient à l’esprit ! Un soir seulement, mais une salle comblissime et de très bons musiciens pour m’accompagner : Manu Katché, D’Angelo… Véronique Sanson y était installée pour un mois. Un lundi soir de relâche pour elle, j’ai pris la scène, j’ai pu chanter mes chansons, dans son décor avec ses musiciens… On a eu beaucoup de succès… Mon père était présent. 1983. Inoubliable.

• Merci Diane, et à bientôt sur la Toile !

(crédits photos et illustrations… Diane Tell, bien sûr !)

Petit bonus : Rue d’la flemme.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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